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PAYSAGES DE LA MÉTROPOLISATION
2. Une artificialisation des terres au détriment des paysages agricoles
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Le territoire de la CAHC se situe sur la partie Sud de l’aire métropolitaine de Lille (AML), aire métropolitaine elle-même située dans la Nord-Pas-de-Calais, région qui peut être considérée comme le «carrefour de l’Europe». Ce positionnement au sein d’un espace métropolitain dynamique, densément peuplé et urbanisé et traversée par de nombreux axes de circulations majeurs, confère à la communauté d’agglomération Hénin-Carvin des caractéristiques et problématiques paysagères singulières.

1. L'AML, territoire partagé?

De plus, le phénomène de métropolisation ne semble pas produire de représentations partagées entre les différents niveaux d’acteurs, qu’ils soient régionaux ou locaux à l’échelle de la CAHC.

En effet, les acteurs régionaux considèrent le développement de l’AML autour du triangle Lille-Lens-Douai, voire Lille-Béthune-Valenciennes, incluant le bassin minier et plaçant la métropole au second rang français avec plus de 3 millions d’habitants, juste après la métropole parisienne .

De leur côté, les acteurs institutionnels de la CAHC semblent occulter cette échelle de développement et considèrent avant tout l’échelle du bassin minier comme porteuse d’enjeux de développement . Intégrer la métropole leur ferait subir le développement lillois en étant considérés comme la banlieue de Lille.

Ce document confirme le propos unanime des personnes interrogées : le territoire de la CAHC subit une forte dynamique d’artificialisation de ses terres agricoles. Bien entendu, si le phénomène semble problématique, c’est avant tout aux yeux des agriculteurs,qui ont un regard quotidien sur cette évolution. Ce qui n’est pas le cas des décideurs locaux qui considèrent les terres agricoles avant tout comme des réserves foncières et leur utilisation comme un moyen de dynamiser le territoire, en proposant une offre de logement ou d’emploi. Aujourd’hui, cette offre de logement profite en partie aux néo-ruraux issus de l’agglomération lilloise ainsi qu’aux jeunes issus du bassin minier ne souhaitant pas s’exiler.

L’autoroute A1 favorise largement ce phénomène, reliant Lille au Bassin minier en une vingtaine de minutes. D’autre part, le projet de liaison RER qui situera Lille à un petit quart d’heure de la CAHC ne fera qu’accélérer le mouvement migratoire vers le sud de la capitale régionale.

L’artificialisation du territoire se définit comme l’utilisation de l’espace à des fins d’habitation, d’infrastructures de transport, d’activités économiques et de loisirs. La région Nord-Pas-de-Calais est singulière dans le paysage de la France de province. Région à deux départements, elle ne couvre que 2,3% de l’hexagone, mais abrite 6,5% des Français.

En raison de cette forte densité de population, couplée avec un maillage très important des réseaux de communication et la présence de vastes bassins industriels, le Nord-Pas-de-Calais se place en deuxième position, derrière l’Île-de-France en termes d’artificialisation qui est aussi liée au mode de peuplement : on y recense 80 villes de plus de 10 000 habitants, presque autant qu’en Rhône-Alpes.

La région se caractérise par une morphologie des espaces très différente du niveau national. De par sa forte densité, les surfaces artificialisées sont près de deux fois plus importantes que sur l’ensemble du territoire français (16,5% contre 8,8% en 2009). L’étude profils réalisée par l’INSEE en mai 2013 note que les surfaces agricoles sont également surreprésentées (69,9% contre 51,5%), alors que les espaces naturels sont trois fois moins étendus (13,6% contre 39,6%). Entre 2005 et 2009, les surfaces artificialisées ont gagné 1 450 hectares par an et les espaces naturels 400 hectares par an au détriment de l’espace agricole. En effet, les échanges entre territoire artificialisé et espaces naturels sont peu nombreux et équilibrés tandis que les mutations sont importantes au sein de l’espace agricole en sa défaveur. L’étude ajoute que l’extension des espaces artificialisés concerne la quasi-totalité des types de surface. Ainsi, au cours de la dernière décennie, celles liées à l’activité marchande ont augmenté de + 16,1%, les axes de communication de + 7,4%, les autres espaces de services de + 7,2% et l’habitat de + 7,9% ».

La CA d’Henin-Carvin est un territoire dense et fortement urbanisé. En effet, en 2010 celle-ci a une densité nettement supérieure à la moyenne régionale avec une densité de 1112 habitants par KM2 (contre 324 habitants au km²).

Appartenant au pôle urbain de Douai-Lens, le territoire des 14 communes urbaines est fortement artificialisé avec 47,3% du sol correspondant à des espaces artificialisés. Cette artificialisation apparaissant comme plus compacte qu’en moyenne régionale avec une consommation d’espace par habitant représentant 425 m² contre 490 m² en région.

Hypothèse de délimitation du territoire de l'AML. Source DREAL 2014

Évolution de l'urbanisation de 1910 à nos jours.

Source : fond IGN bd cartho DREAL NPDC CEREMA Nord Picardie 2014.

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La Cahc, entre Lille, Douai et Lens

Des projets de rayonnment régional

Projet liaison

RER Cahc / Lille

Lieu culturel 9-9 bis

Delta 3 + extension

Nouveaux lotissements

Projet d'extension de la zone commerciale Auchan

Nouvelle gare de Sainte Henriette et nouvelle "centralité" urbaine

Lens

Douai

Métropole lilloise

Le regard des acteurs

Le territoire du Bassin minier et de la communauté d’agglomération d’Henin Carvin sont confrontés à des transformations à la fois rapides et importantes qui posent la question de leur mutation. De manière générale, les points de vue individuels que vous nous avez livrés à travers vos discours en tant qu’acteur institutionnel, habitant, élu, technicien, usager du territoire, convergent pour faire de la métropolisation une dynamique importante de ces transformations. Le développement d'un grand parc naturel urbain sur le site de l'ancienne cokerie de Drocourt, la création d'un nouveau quartier mixte sur le site de Sainte-Henriette, le projet de liaison RER entre la métropole lilloise et le bassin minier, la reconversion de la fosse du 9/9 bis en lieu de créativité et d'activité (musique, tourisme d'affaires, excellence logistique), sont autant de grands projets qui témoignent de l’inscription de la CAHC dans une dynamique de développement qui dépasse ses limites territoriales pour se placer à l’échelle de l’AML. Mais si chacun d’entre vous partage ce constat, les effets, les enjeux et la signification même de cette dynamique sont perçus différemment selon les angles de vues.

 

L’aire métropolitaine : un lieu de dialogue ?

Échanges de l'occupation du sol entre 2005 et 2009 dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Cartographie: D2DPE/IGAS -SL-mars 2013. Source SIGALE

BELGIQUE

Valenciennes

Béthune

Arras

la CAHC

Nord (59)

Pas-de-Calais (62)

Lieu culturel Louvre-Lens

CARVIN

LIBERCOURT

OIGNIES

LEFOREST

EVIN-MALMAISON

COURRIERES

MONTIGNY-EN-GOHELLE

HENIN - BEAUMONT

DOURGES

NOYELLES-GODAULT

COURCELLES

BEAUMONT

BOIS-BERNARD

DROCOURT

ROUVROY

La métropolisation est un processus complexe aux multiples facettes par lequel la circulation facilitée des personnes, des marchandises, des biens et des informations, s’accompagne d’une concentration d’échanges dans un nombre limité de pôles urbains connectés à des espaces sur lesquels ils ont une influence. Les paysages de la CAHC sont particulièrement sollicités dans ce processus qui voit les enjeux économiques, d'aménagement et de transport participer de leur transformation. Le regard que portent nos interlocuteurs sur la transformation des paysages induits par le développement de la logistique est rapporté quant à lui plus spécifiquement au sein d’une thématique dédiée.

 

En définitive, les positionnements contrastés de nos interlocuteurs traduisent leurs difficultés à se faire une idée précise des tenants et des aboutissants des logiques de projets menés au sein de ce vaste territoire aux frontières floues qu’est l’aire métropolitaine. Les effets concrets de l’intégration métropolitaine de la CAHC n’échappent pas au regard de ses habitants. Ceux-ci traduisent un certain nombre d’enjeux essentiels à l’élaboration d’une image partagée du territoire et à la constitution d’un outil de connaissance pour les différents acteurs de la CAHC.

Le manque de cohérence architecturale des nombreux projets de construction de lotissement sur la CAHC est constaté par ces mêmes acteurs tout comme l’irréversibilité de l’étalement urbain.

Du côté des acteurs départementaux impliqués dans le projet de reconquête environnementale et de réhabilitation des espaces verts, ceux-ci nous font part de leur pessimisme.

Le sort des agriculteurs, premiers spectateurs de l’avancé de l’urbanisation sur les terres agricoles n’échappe pas aux élus locaux :

Certains de nos interlocuteurs nous disent regretter de ne pas prendre plus de photographies, se disent incapables de ce souvenir des paysages de leur enfance.

L’avancé de l’urbanisation est une composante majeure de ces bouleversements, celle-ci surprend par sa rapidité :

À l’échelle de la communauté d’agglomération le périmètre des différentes communes tend également à s’estomper au regard de leurs habitants :

L’avancée de l’urbanisation et l’artificialisation des terres

 

L’intensification des échanges à l’échelle métropolitaine conduit à de nouvelles mobilités entre lieu de résidence et lieu de travail sur des distances allongées et à l’augmentation de nuisances. Tous les avis recueillis, comme nous pouvons le constater à travers le regard que portent les habitants sur ce que nous nommons les paysages de la mondialisation, insistent sur la problématique de l’engorgement des voies de communication et la « sensation d’étouffement »que cette situation produit. Mais la dynamique de métropolisation n’influence pas seulement la densité des flux de circulation. Les recompositions spatiales et socio-économiques à l’œuvre réagencent également le tissu urbain et les paysages de la communauté d’agglomération selon de nouvelles modalités.

L’avancée de l’urbanisation au détriment des espaces verts et agricoles est un fait constaté et regretté par l’ensemble de nos interlocuteurs. Ceux-ci nous font part de leur constat de l’étalement urbain et du  rétrécissement des distances entre les différents pôles urbains du grand territoire :

En définitive, la dynamique de métropolisation à l’échelle de la CAHC ne semble pas produire de représentations et de projets politiques partagés entre les différents acteurs situés à différentes échelles du territoire.

La dynamique de métropolisation interroge l’imbrication des échelles et des modes de gouvernance urbaine d’un territoire de plus en plus vaste et les représentants de l’échelle communale et intercommunale expriment leurs difficultés à faire émerger une vision collective et concertée des enjeux sociaux et économiques portés par cette dynamique.

Le positionnement des acteurs institutionnels de la CAHC oscille entre la volonté de coller à la modernité, en sachant prendre place dans “la compétitivité nationale”, et la crainte de subir l’élargissement de l’aire d’influence de la ville-centre de Lille au risque de ne plus avoir en main la transformation de leur territoire.

L’occultation de cette échelle de développement par un certain nombre d’acteurs institutionnels de la CAHC n’est pas absente du discours des planificateurs et aménageurs à l’échelle métropolitaine :

comme du côté des acteurs du développement urbain de la ville de Lille :

Du côté des acteurs régionaux que nous avons interrogés, la dynamique de métropolisation renvoie au souci de mieux servir le territoire et ses habitants en se dotant d’outils contribuant à la définition de stratégies concertées de projets communs. En relation avec les décideurs institutionnels de la CAHC, ce sont localement les acteurs de la Mission Bassin Minier qui assurent l'animation et la coordination des travaux menés en commun par les partenaires et accompagne cette dynamique d’approches concertées à l'échelle du grand territoire. Pourtant l’impression de faire partie intégrante d’un vaste espace de coopération et de dialogue comprenant la ville de Lille et les territoires de l’Arc Sud est loin de constituer une réalité palpable pour tous nos interlocuteurs.

Que l’on se situe du côté des élus locaux :

« C'est quand même une révolution que de se dire que l’on parle avec la métropole, on a un lieu de dialogue. Tous reconnaissent que l'AML est un lieu de dialogue. »

« Nous dans le pas de Calais on a jamais rien, on est considéré comme des bêtes. Il y en a qui ont des subventions. Nous au niveau de l’état ou du conseil général de la région personne ne nous aide », « Ici c’est la région du chagrin, chez nous rien ne bouge »

« la réalité de l'intégration du territoire croît à une vitesse que les politiques refusent de reconnaitre ! Mais c'est une réalité qui va leur sauter aux yeux un jour ou l'autre ! »

« Il y a un vieil antagonisme dans les mentalités, une impression d'être à la fois spolié et méprisé. Ce n’est pas tout à fait faux, je pense que la métropole ignore le bassin minier ».

« C’est la grosse difficulté, un département, ça doit vivre avec son département voisin. La vision globale on ne l’a pas ».

« A l’époque cela paraissait loin de Lille, petit à petit ça se construit ça se rapproche ».

« C’est assez fou comme l’urbanisation avance et à quelle vitesse elle avance !».

« Si ce n’est qu’il y a un panneau indicateur, vous savez que vous entrez dans la ville, sinon c’est impossible de savoir ».

« Les deux mégapoles que sont Lens Liévin et Henin Carvin se rapprochent de plus en plus, il y a le projet de faire une extra mégapole avec Lille et à mon avis les champs dans notre secteur ça va devenir misérable. »

« Je ne me souviens plus du tout, le bord des eaux, avant le développement de la zone commerciale telle qu’elle s’est construit.. ; tout ça s’est fait au détriment de l’environnement et d’un développement cohérent, c’en est à un point où je ne me souviens même plus comment c’était quand j’étais gosse, je suis incapable de me souvenir de ce que c’était réellement.  Les gens ne se souviennent plus, ils retrouvent des vielles photos, se disent « tiens avant les sens de circulation était comme ça », « Tiens ! Ici il y avait un kiosque » etc. c’est un peu un esprit nostalgique en ce moment. »

«  Les agriculteurs sur le territoire ils sont foutus, faut être clair, ils sont morts parce que tous les ans ils se font grignoter 30 ou 50 hectares dans tous les projets, moi je commence à avoir des agriculteurs qui n’en peuvent plus, ils n’ont plus rien, c’est sale temps pour les agriculteurs. C’est très compliqué sur ce secteur-là, je suis assez pessimiste malheureusement ».

« Je trouve que justement on est en train de gâcher un peu le paysage. Ils ont fait des logements basse consommation sur le parc à bois du 9/9bis où il y a une dimension historique et pour l’instant c’est une horreur absolue, ça va peut-être s’améliorer, mais c’est ça qui est dommage, il n’y a pas vraiment de cohérence j’ai l’impression qu’on ne se soucie pas du paysage pour l’intégration des bâtiments ».

« Je ne pense pas qu’on arrivera à revenir en arrière. Pour moi à chaque fois que quelque chose se fait je le prends pour un truc irréversible, je ne sais pas comment ce sera dans 30 ans, mais ça me semble assez irréversible. Le souci c’est qu’il faudrait acheter du foncier pour les corridors écologiques et je ne vois pas les élus faire ça, se dire là je vais acheter pour ne pas construire »

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